Transmission d’entreprises : Pour bien vendre votre entreprise, ne restez pas seul

Il y a quelques mois, une des plus anciennes boutiques du Mans a changé de propriétaire. Les établissements Camus, spécialisés dans les machines à coudre depuis 1898, sont devenus Jumac Machine à Coudre. Le repreneur, Julien Lenoir, originaire du Mans, avait déjà repris il y a deux ans à Tours, la boutique dans laquelle il travaillait comme mécanicien depuis trois ans. "Le gérant partait en retraite et j’ai repris l’entreprise, raconte Julien Lenoir. L’avantage, c’est que je connaissais la boutique de l’intérieur. Au Mans, il y a déjà un moment que le gérant pensait vendre et je crois que le départ en retraite de sa vendeuse à l’été 2023 lui aa fait franchir le pas. J’ai su qu’il souhaitait vendre par un de nos fournisseurs communs. Comme j’ai à Tours des clients qui viennent du Mans, j’ai pensé qu’il serait intéressant de reprendre cette entreprise pour garder ma clientèle du Mans et redynamiser cet établissement ancien." Deux reprises donc, dans ces circonstances différentes mais qui ont en commun d’avoir été accompagnées par les CCI.
La CCI de Tours a accompagné Julien Lenoir pour la reprise du magasin de Tours, celle du Mans a accompagné Patrick Camus, le cédant pour la cession. Une promesse d’achat en avril et une signature définitive en août, cette transmission d’entreprise a été relativement rapide. "Pour l’instant cela se passe très bien, explique Julien Lenoir. Les clients du Mans étaient contents que la boutique soit reprise. On l’a entièrement rénovée et nous l’avons inaugurée juste après avoir participé à la Foire du Mans." Une reprise réussie, Jumac Machine à coudre est d’ailleurs en plein recrutement au Mans comme à Tours.
Ne pas s’y prendre au dernier moment
À la CCI Le Mans Sarthe, Arnaud Kemp, le conseiller Transmission d’entreprise qui a suivi Patrick Camus, a déjà été dans sa carrière professionnelle dans la situation du repreneur d’entreprise, puis du cédant. "C’est vraiment une opération qu’il faut bien préparer, souligne-t-il. Il y a beaucoup d’entreprises à vendre mais sur 100 entreprises misent en vente, seules 30 sont vendues dans l’année. La transmission s’anticipe surtout quand c’est le créateur qui vend l’entreprise. Il a parfois du mal à franchir le pas et dans ce domaine, il ne faut pas s’y prendre au dernier moment."
Non seulement il faut s’y prendre à temps, mais surtout, ne pas céder à la tentation de vendre seul l’entreprise sous prétexte qu’on la connaît mieux que quiconque. C’est le piège absolu car bien évaluer une entreprise demande des expertises, d’autant plus nombreuses que l’entreprise sera importante. Être entouré aidera le cédant à ne pas se tromper sur le prix de l’entreprise, à identifier le bon acheteur ou celui qui au contraire n’est pas crédible ou pas solvable. "Le conseiller va aussi aider à gérer la confidentialité de la cession, précise Arnaud Kemp. C’est un marché très souterrain où l’on doit être discret tout en informant que l’entreprise est à vendre.
Se poser les bonnes questions
Il faut être à l’écoute car chaque histoire est différente. Souvent le chef d’entreprise y a passé beaucoup de temps, parfois il l’a créée ou bien c’est une entreprise familiale. Le conseiller est là pour aider à se poser les bonnes questions. Savoir si c’est le bon timing, s’il n’y a pas de solutions en interne, si le chef d’entreprise ne sous-estime ou ne surestime pas son entreprise." La réussite de la transmission d’entreprise est importante pour le chef d’entreprise - et pas uniquement sur le plan financier, l’aspect humain est très important-, mais elle l’est aussi pour l’économie car chaque année les 185 000 entreprises transmissibles concernent 750 000 emplois.
Vous l'aurez compris, quelle que soit la taille de votre entreprise, une transmission s’anticipe. Une réflexion engagée trois à cinq ans avant la cession permet de préparer sereinement ce moment. La CCI Le Mans Sarthe propose des ateliers "Transmission : comment bien vendre son entreprise ?" pour aborder plus sereinement cette étape de la vie de votre entreprise.
Ils sont gratuits et sur inscription (dates 2025 : 25 avril, 4 juillet, 12 septembre, 28 novembre). Ou n'hésitez pas à contacter votre conseiller CCI pour un rendez-vous individuel.
Pierre-Jacques Provost
La transmission d’entreprise en chiffres
- 51 000 transmissions d'entreprise (environ) ont été enregistrées en France en 2023, ce qui représente 28 % des 185 000 entreprises potentiellement transmissibles chaque année. Pour 2024, une hausse de 10 % des cessions est anticipée, atteignant ainsi 55 000 transactions.
- 185 000 entreprises susceptibles d’être cédées par an, c’est 750 000 emplois à conserver.
- 23 % des dirigeants de PME et ETI devait dépasser les 60 ans dont plus de 10 % les 65 ans (chiffre de 2021).
- 55 ans, l’âge moyen du cédant en 2024, 15 % ont moins de 40 ans.
- 20 ans, la moyenne de l’expérience des cédants dans la direction de l’entreprise.
- 60 % des cédants sont motivés par un départ en retraite, 20 % par un changement de vie professionnelle, 10 % par une diversification du patrimoine, 10 % par des raisons personnelles.
1 - Définir une stratégie de cession pour choisir le bon moment de vente en fonction :
- Des motivations : prendre sa retraite, réorientation professionnelle, difficultés de l’entreprise…
- De l’échéance : concevoir un calendrier de cession en fonction des différentes étapes de la transmission d’entreprise.
- De l’environnement : l’évolution du marché sur lequel est positionnée l’entreprise, l’évolution des besoins des clients, l’évolution des réglementations…
2 - Ne vendre que lorsque l’on est prêt :
- Vendre sans le vouloir vraiment, c’est prendre le risque de se lancer dans des démarches déstabilisantes inutilement et de refuser toutes les offres des repreneurs.
- Attendre trop, c’est prendre le risque d’accepter la première offre qu’un repreneur présentera.
3 - Ne pas négliger la transmission en interne :
- Peut-être que le repreneur est l’un des salariés. Aidé, formé et bien accompagné, un salarié pourrait reprendre les rênes de l’entreprise.
- Le repreneur est peut-être un des enfants du dirigeant même s’il n’a jamais exprimé cette envie. Le goût de l’indépendance, de l’entrepreneuriat peut le rattraper.
4 - Ne pas oublier que, dans certains secteurs, les repreneurs ne sont pas nombreux :
- Il faut mettre en valeur au mieux l’entreprise pour attirer les repreneurs.
- Il faut envisager toutes les pistes pour trouver des repreneurs.
5 - S’entourer de conseils :
- Cela fera gagner du temps et limitera les risques.
6 - Faire ses comptes et organiser son patrimoine :
- Il existe plusieurs solutions dans ce domaine : exonération des plus-values lors du départ en retraite par exemple.
- Pacte Dutreil (exonération partielle des droits de mutation dans une transmission familiale)
- Donation-partage…
7 - Communiquer au bon moment
- Auprès de la famille et des proches.
- Auprès des salariés.
- Auprès des partenaires d’affaires (clients, fournisseurs, banquiers…).
- Auprès du grand public.