Brics+ et Sud global : La nouvelle donne des pays émergents

Développement commercial
27.09.2024
Magazine
Dans le cadre de l’International Week au Mans organisé par la CCI, le 4 octobre 2024, Jean-Joseph Boillot, économiste, spécialiste de l’économie indienne et du monde émergent, présentera les changements dans l’économie mondiale et les rapports Nord-Sud que les entreprises ne peuvent ignorer.
Visuel AdobeStock, Brics+

Il y a encore 10-15 ans - en réalité jusqu’à la crise financière de 2008 - on ne parlait que de "pays émergents" avec la promesse de nouveaux marchés dynamiques et/ou de bases de délocalisations compétitives. Les entreprises, y compris les PME, étaient appelées à se réorganiser autour du "monde émergent" considéré comme la nouvelle locomotive de l’économie mondiale. Depuis la crise financière de 2008-2011 (lancement des Bric en 2009 à Saint-Pétersbourg et élargissement à l’Afrique du Sud en 2011), puis plus nettement depuis le covid, le monde est en bouleversement : le "Sud global" a émergé. Quelles conséquences à l’échelle d’une PME ? Jean-Joseph Boillot apporte un éclairage indispensable pour comprendre ces mutations. Entretien.

 

Dans un premier temps, pouvez-vous expliquer la notion de pays émergent ou économie émergente ?

Une économie émergente, c’est une trajectoire de rattrapage des pays les plus développés dans la durée. Elle est en général associée à un taux de croissance plus rapide que dans les économies dites matures mais surtout, il s’agit d’économies qui ont un taux d’investissement en nette accélération pour équiper le pays et gérer les transitions. On parle de transition démographique avec de plus en plus de jeunes actifs, de transitions industrielles, de transitions énergétiques, etc.


Il faut faire une distinction entre pays émergent et économie émergente. Un pays émergent, c’est un pays qui sur le plan géopolitique émerge sans nécessairement que ce soit une économie émergente. On a également l’inverse, avec par exemple la Corée du Sud qui a été une économie émergente sans que sa place politique ne soit importante. C’est seulement aujourd’hui que c’est un pays émergent au sens géopolitique du terme. Il y a donc deux notions à ne pas confondre notamment pour nos entreprises qui s’intéressent davantage aux économies émergentes qu’aux pays émergents.

 

Quand on parle d’économies émergentes, de quels pays parle-t-on ? Combien y en a-t-il ?

Sur le nombre de pays recensés dans le monde, environ 200, une quarantaine sont considérés développés. Et donc environ 160 sont dans le groupe potentiellement émergent. Dans ce groupe, environ 40 pays sont dans une situation de crise profonde et durable. Cela laisse un groupe de 120 pays.
Le groupe des pays développés est de l’ordre de 15 % de la population mondiale, le groupe des pays en crise profonde est de l’ordre de 15 %, il reste 70 % de la population mondiale dans le groupe des pays aux économies émergentes ou potentiellement émergentes qui ne représentent que 30 % du PIB mondial.

 

Bric puis Brics puis Brics+, de quoi s’agit-il ?

Brics, c’est un acronyme qui reflète une posture politique, mais qui au départ est à vocation essentiellement économique. Ce groupe se constitue au moment de la grande crise financière de 2008 aux États-Unis qui se propage dans le reste du monde. Les réponses apportées par les institutions internationales semblent totalement inadéquates pour certains pays à économie émergente. C’est-à-dire que des milliards de dollars vont être mobilisés pour soutenir les pays développés alors que pour financer les pays en développement, les caisses sont vides. Cette différence de traitement est à l’origine d’un réveil politique des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, puis Afrique du Sud et d’autres pays qui ont rejoint ce club) avec pour objectif d’infléchir la gestion de l’économie mondiale. Les Brics, ce n’est pas une institution, c’est un club un peu sur le mode du G7.

 

Qu’apporte de plus la notion de Sud global ?

Le Sud, c’est par opposition au Nord où se trouvent presque tous les pays riches. La notion de global signifie que le sud se veut global. Mais la globalisation vue par les pays du Sud, n’est pas la même que celle mise en place dans les années 80 par les pays du Nord.

 

Quelles sont les spécificités de la globalisation du Sud ?

La première notion, c’est le fameux Sud/Sud. C’est-à-dire qu’aujourd’hui plus de 50 % des exportations chinoises sont à destination des pays du Sud. Pour l’Inde, c’est un peu moins mais l’orientation est identique. Aussi la première caractéristique de ce Sud global, c’est que les pays échangent de plus en plus entre eux. Ce qui a des conséquences importantes pour nos entreprises : sur ces marchés émergents, les concurrents directs sont des pays du Sud qui vont s’aligner sur le prix chinois donc extrêmement bas. Par ailleurs, ce sont des pays qui proposent des technologies intermédiaires dont la particularité est d’être adaptées pour des pays en développement.

Les entreprises françaises n’ont donc plus à se faire une place en fonction de leur concurrent du Nord présents dans le Sud, mais bien aussi par rapport aux entreprises du Sud présentes sur place.

Exactement. Au début de l’histoire de l’émergence lorsque les pays du Sud-Est asiatique décollent, les pays du Nord vendent leurs produits dans les pays du Sud. Aujourd’hui, les relations se situent dans un triangle Nord-Sud-Sud où nos entreprises sont confrontées à une concurrence redoutable des pays du Sud.

Tous ces constats sur les pays émergents du Sud global éloignent-ils définitivement nos entreprises de ces marchés ? Y a-t-il encore des places à prendre ?

À condition de bien comprendre la mutation de cette économie mondiale et de mettre en place une stratégie adaptée, on s’aperçoit que le Sud global reste une opportunité pour deux raisons. La première, c’est que ce qui le caractérise, c’est cette idée de ne plus jamais dépendre de personne donc une volonté de diversification. Le Sud global n’est pas la somme de pays alignés sur la Chine, la Russie ou l’Inde, c’est simplement le fait que les pays leaders du Sud ont permis aux autres pays de se désengager d’une relative dépendance aux pays du Nord.
La deuxième raison est que les pays du Sud ne couvrent pas toute la gamme des besoins de ces pays et eux-mêmes sont importateurs de produits occidentaux. La Chine est le premier exportateur mondial, mais c’est aussi le premier importateur.

 

Est-ce que le Sud Global est un marché à risque ?

C’est à risque et à risque élevé même. Et il n’y a pas de couverture bon marché de ce risque. Une bonne partie du coût financier pour le développement à l’international est le coût de l’information. Tout ce qui va permettre d’éviter tous les pièges sur des marchés que vous ne connaissez pas. L’une des solutions est de chasser en meute et de ne pas laisser les entreprises y aller seules. Les Régions sont très actives dans ce domaine-là et elles ne le font pas seules. Avant l’accompagnement était très centralisé, aujourd’hui il est plus régional comme c'est le cas dans les Pays de la Loire avec la Région, les CCI et les missions internationales.

Pierre-Jacques Provost

International Week  
Rendez-vous à la CCI Le Mans Sarthe le 4 octobre 2024

9 h : Conférence Jean-Joseph Boillot, suivie d’une séance de dédicace de ses ouvrages
10 h 30 : International Pitch Challenge
11 h 30 : Le VIE : l’allié RH de votre développement à l’international
12 h : E-commerce : un canal non négligeable pour booster son activité export
13 h : Séance de clôture : remise des prix et cocktail
En continu : une exposition des produits sarthois qui s’exportent et séances de coaching en langues étrangères. 


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