Gestion de l'eau : Un défi à relever pour les industriels

Transition écologique
22.05.2024
Magazine
Le sujet de l’accès à l’eau pour tous les citoyens s’impose dans l’actualité notamment dans les régions où les nappes phréatiques ont de plus en plus de mal à se reconstituer après des étés toujours plus chauds et secs. Ce phénomène impacte déjà les entreprises les plus consommatrices d’eau, par exemple dans les secteurs de l’agro-alimentaire, de la papeterie, de la chaudronnerie… Il concernera l’ensemble des secteurs industriels d’ici à quelques années.
La Sarthe en amont de Saint-Léonard des Bois.
La Sarthe en amont de Saint-Léonard des Bois.

À la différence des énergies carbonées, l’eau reste une ressource abondante, donc peu coûteuse. Pourtant, le changement climatique favorise des sécheresses, des inondations qui influent sur la quantité et la qualité de l’eau disponible, selon les saisons. Cette situation contraint les pouvoirs publics à prendre des mesures restrictives et les intercommunalités commencent à déployer d’importants programmes de travaux de réhabilitation des cours d’eau.

Prendre conscience

Dans ce contexte, les chambres consulaires et les syndicats patronaux s’engagent aux côtés de l’État et des collectivités pour encourager les entrepreneurs à prendre conscience des enjeux et à modifier leurs pratiques. L’objectif est d’inciter chacun à diminuer sa consommation et à optimiser des dispositifs de rejet des eaux usées. La lutte contre les polluants est également engagée pour protéger la biodiversité.

Dans un document destiné aux entreprises, le Medef indique que "déjà, les consommations industrielles d’eau ont diminué de 30 % entre 2003 et 2017, mais que de nombreuses marges de progrès demeurent, notamment dans les PME. L’objectif de réduction de 10 % des consommations d’ici à 2030 peut être atteint au travers d’efforts de sobriété et d’actions simples comme le déploiement de petits équipements hydro économes." La réutilisation des eaux, usées et de pluie, est largement encouragée, dès lors qu’elle ne présente pas de risques sanitaires, par exemple pour les opérations de nettoyage et d’arrosage. Dans cet esprit, il est conseillé d’implanter des dispositifs de récupération des eaux de pluie.

Trois SAGE pour un bassin

Sur le terrain, pour encadrer, conseiller, accompagner les acteurs économiques dans la recherche de solutions et d’aides financières, plusieurs structures ont été mises en place par l’État (comme les agences de l’eau) et les collectivités locales. En Sarthe, en 2018, les élus locaux ont créé le syndicat du bassin de la Sarthe qui agit sur l’ensemble du cours de la Sarthe et de ses affluents. Celui-ci couvre environ les 3/4 de la superficie du département, tandis qu’une autre structure syndicale gère le bassin du Loir. "Le syndicat est divisé en trois zones géographiques qui ont leurs problématiques propres : Sarthe amont, de l’Orne jusqu’au Mans, Sarthe aval du sud du Mans jusqu’au nord d’Angers et le bassin de l’Huisne qui prend sa source dans le Perche se jette dans la Sarthe au Mans", explique Vincent Toreau, directeur du syndicat du bassin de la Sarthe. Dans cette logique, le choix a été fait d’élaborer trois SAGE (Schémas d’aménagement et de gestion des eaux) à l’échelle de chaque territoire."

Mener un travail collectif

Ces SAGE sont, à la fois, un cadre réglementaire et un document stratégique qui définissent les actions à mener à moyen et long termes. Chacun d’entre eux est élaboré par une commission locale de l’eau où siègent des élus, des représentants de l’État et de ses organismes, et des usagers, dont les chambres consulaires qui en sont membres de droit. "Il s’agit d’un travail collectif qui doit permettre, par la concertation et l’échange, de proposer des solutions pérennes, affirme Vincent Toreau. C’est pourquoi il est capital que les chefs d’entreprise y participent, à la fois pour faire part de leur expérience et pour en être les ambassadeurs auprès de leurs pairs."

Dès à présent, les sept techniciens du syndicat affirment que plusieurs industriels sarthois font d’importants efforts, à l’image des groupes agroalimentaires LDC, Bahier et Bel qui investissent pour réduire leur consommation et agir sur la qualité des rejets. "Même en Sarthe, dans certains secteurs, la ressource en eau "potabilisable" se fait plus rare et il nous faut agir sans attendre", souligne l’équipe du syndicat, rappelant qu’ils ont aussi une mission d’alerte. À l’évidence, les mentalités commencent à changer et de plus en plus d’entrepreneurs ont la volonté d’agir, par exemple en installant des équipements de refroidissement moins consommateurs. Nous sommes à la première étape d’une évolution qui va obligatoirement modifier profondément les process et le rapport que nous avons avec l’eau.

Emmanuel Chevreul 
 

Contact CCI

Lire l'interview d'Hervé Bryja.

Comment avez-vous été conduit à vous engager sur ce sujet de la consommation d’eau des entreprises ?

Lors de mon élection à la CCI Le Mans Sarthe, j’ai spontanément choisi de siéger à la commission environnement et, très rapidement, j’ai eu confirmation que la gestion de l’eau allait être au cœur des problématiques des chefs d’entreprises. Ma volonté est de les sensibiliser au sujet, sans les culpabiliser, en privilégiant la pédagogie et le dialogue.

Quel message faites-vous passer auprès des chefs d’entreprises ?

Chaque entrepreneur doit avoir conscience qu’il va, de plus en plus, devoir faire face à des pénuries d’eau en certaines saisons, notamment l’été et au début de l’automne. Le Giec prévoit une baisse de 10 à 40 % de la disponibilité de l’eau dans les décennies à venir. 
Ce phénomène, conséquence directe du dérèglement climatique, va se traduire par des restrictions d’usage, dont on commence à mesurer l’ampleur à travers des études territoriales. La règlementation va inévitablement devenir plus contraignante et les coûts de consommation vont augmenter. De surcroît, nous allons devoir être plus attentifs à notre consommation et au rejet des eaux usées.

Comment peut-on prévenir ces évolutions et quelles solutions s’offrent aux entreprises ?

Il existe déjà des solutions pour améliorer la qualité de l’eau et la préservation de la biodiversité. On peut permettre aux rivières de retrouver leurs lits d’origine, afin d’en ralentir le débit, ou encore isoler les étangs des rivières… Des efforts peuvent également être réalisés pour améliorer l’entretien de ces cours d’eau. Dans ce but, nous mettons en place les SAGE (Schémas d’aménagement et de gestion des eaux), qui vont donner un cadre à l’action des pouvoirs publics et à l’évolution de nos modes de consommation. 
Mais, tous ces travaux ont un coût qui, obligatoirement, se répercutera sur le prix d’achat de l’eau. Il nous faut l’anticiper. 
Avant tout, je conseille aux entrepreneurs, notamment ceux qui consomment entre 10 et 50 000 m3 par an, de commencer à modifier leurs comportements, par exemple en rationalisant le nettoyage des machines ou des véhicules et en investissant dans des équipements moins consommateurs. Pour ce faire, ils peuvent bénéficier d’aides importantes, en particulier, de l’État et des Régions.

Hervé Bryja, élu de la CCI et dirigeant de Numériplan à Mamers.
Hervé Bryja, élu de la CCI et dirigeant de Numériplan à Mamers.